Geste spontané ou préparé ? Depuis quelques jours, une drôle de petite musique se joue autour du déroulé de la soirée des Molières, le 24 avril dernier. Interpellée par deux comédiennes militantes de la CGT sur les conséquences de la réforme des retraites envers les intermittents et sur son silence durant cette période agitée, Rima Abdul-Malak a dérogé aux coutumes : elle s’est levée de son siège rouge du Théâtre de Paris, a pris le micro et contre-attaqué. La ministre de la Culture a été applaudie, et la séquence appréciée au sein du gouvernement, peut-on lire ici ou , l’exécutif y ayant vu une bouffée d’air frais.

Seulement, ces derniers jours, la polémique a enflé. La ficelle, pour certains, était trop grosse. Dès le lendemain, le député Aymeric Caron (LFI) tweete : “Que de hasards : un micro-main qui tombe dans les mains de la ministre quelques secondes après avoir été interpellée, et une phrase de Gérard Philipe qu’elle connaissait si bien qu’elle sait même la dater à l’année près (1957).” Cyril Hanouna, l’animateur star de C8 en conflit notoire avec la ministre, enchaîne quelques heures plus tard, s’appuyant sur un article de Challenges. Il assure que les deux militantes, Toufan Manoutcheri et Lucie Astier, ont donné le texte de leur intervention aux organisateurs de la cérémonie afin de pouvoir le lire sur un prompteur. Et qu’il aurait été, selon l’article, transmis à Rima Abdul-Malak. “Donc la ministre qu’est-ce qu’elle a fait ? Elle a préparé son texte. Les organisateurs doivent savoir que tout était orchestré, tout était du mytho”, clame-t-il.

Selon nos informations, plusieurs scénarios avaient effectivement été anticipés par la ministre pour la soirée, la CGT Spectacle ayant annoncé quelques jours plus tôt une action aux Molières. Coupure de courant, concert de casseroles, texte lu… Tout était sur la table. “La ministre voulait se tenir prête à réagir. Oui, un micro a été demandé dans le cas où la ministre souhaiterait intervenir”, indique son entourage.

Le courrier des syndicats

Pour préparer sa réponse, la ministre ne s’est pas appuyée sur la copie du texte des militantes, mais sur un courrier qui lui avait été envoyé trois jours avant la soirée… par les syndicats du secteur, dont la CGT. Les deux comédiennes se sont largement inspirées de ce texte, consulté par L’Express, pour écrire leur intervention. Dans le document, les syndicats regrettent que les “conditions” ne soient “pas réunies” pour la tenue d’une réunion avec les services du ministère. Ils estiment que leurs inquiétudes et revendications ne sont pas écoutées. Pêle-mêle : les “conséquences dramatiques de la réforme” des retraites sur les intermittents ; “l’explosion des factures énergétiques” qui fragilisent les établissements culturels ; et les menaces “de plus en plus fréquentes” contre des expositions et des spectacles.

Rima Abdul-Malak connaissait donc les reproches qui allaient lui être adressés, et a pu concocter sa riposte. Quant à sa précision sur Gérard Philipe qui là aussi, semble-t-il, a soulevé quelques doutes, l’entourage de la ministre répond simplement qu’étant “passionnée de théâtre, elle s’est beaucoup intéressée à l’histoire de Jean Vilar et de Gérard Philipe, ainsi qu’à l’histoire des politiques culturelles, et notamment comment le régime de l’intermittence du spectacle est né”. La ficelle, finalement, n’était pas si grosse. Et la polémique bien vite retombée.