
Le 29 mars 2020, triste nouvelle : on apprend que Christophe vient d’être admis au service réanimation d’un hôpital parisien, pour insuffisance respiratoire. Il ne reviendra pas. Le chanteur est mort ce 16 avril 2020 des suites d’un emphysème pulmonaire. Il avait 74 ans Hommage à l’artiste qui n’a jamais joué le jeu du music business.
Un artiste, libre et audacieux
Cinquante ans de musique, en effet, et toujours un mystère. “Je suis quelqu’un qui aime la liberté et la solitude, même si je peux apprécier la foule à certains moments. Donc je trace ma route avec ma personnalité, avec ce en quoi je crois, et je vais continuer jusqu’au bout, sans me laisser déstabiliser par des inconnus”. Ainsi se confiait Christophe lors de notre dernière rencontre en 2016, à la sortie de son album Les vestiges du chaos. Une évidence pour quiconque a déjà franchi le pas de son appartement-studio, boulevard du Montparnasse, où le jukebox est toujours ouvert et les nuits souvent blanches. Mais aussi pour ses fans qui, comme lui, n’entrent dans aucune case générationnelle, sociologique ou esthétique.
LIRE AUSSI >> Le chanteur Christophe est mort à l’âge de 74 ans
Son statut de figure publique, il le doit presque à un malentendu : une poignée de tubes écoulés en masse dans les années 70 (“Aline”, “Les Paradis Perdus”, “Les Mots Bleus”, “La Dolce Vita”), cachant la forêt d’une oeuvre audacieuse et sophistiquée. C’est presque en secret que les initiés goûtent aux expérimentations de Samouraï (1976) ou Bevilacqua (1996), discutent de ses collaborations avec Alan Vega (Suicide) et de son obsession pour David Bowie et Lou Reed. Apprécier le talent de Christophe, c’est rejeter ce que les tabloïds ont à vendre.
Sa voix, son instrument
“Quand j’ai commencé, je n’aimais pas ma voix. Je ne la travaille toujours pas. Ce qui me passionne, depuis toujours, c’est la résonance du son.” Christophe, chanteur français, c’est déjà presque un contresens. Depuis ses débuts en 1961 dans le groupe banlieusard Danny Baby et les Hooligans, il préfère chanter en yaourt, laissant volontiers les mots à d’autres (de Jean-Michel Jarre à Bob Decout) et utilisant sa voix comme un instrument qu’il transforme à l’envi.
LIRE AUSSI >> Le chanteur Christophe a retrouvé ses Paradis
Sa place est en studio, auprès de ses machines adorées, penché sur les câblages tel l’ingénieur de ses propres rêves. Capable de discuter pendant des heures des textures du synthétiseur Arp Odyssey ou de “passer trois mois à régler un delay”, il reste passionné par les innovations technologiques et les musiques actuelles. “J’aime le rap, le punk, le blues, la musique arabe, la Callas… je suis amoureux de la musique, c’est ça qui me donne envie de créer”. Christophe est un artiste total, en lutte contre les facilités de la variété française, qu’on ne risque pas de croiser chez Les Enfoirés et autres experts du rachat de conscience en prime time. Cet homme-là est bien trop libre se laisser acheter.
Au “beau bizarre”
“Je suis à l’école depuis que je fais des albums. Je ne fais qu’apprendre.” Portée par ce désir juvénile, la musique de Christophe traverse les époques et ne cesse de fasciner. Son public ne s’y est pas trompé, lui qui rajeunit à vue d’oeil à chacune de ses mutations. S’il accepte de revisiter son passé sur ses derniers albums, Christophe Etc. Vol. 1 et 2 (2018-2019), ce n’est que pour mieux faire barrage à la nostalgie : d’Etienne Daho à Sébastien Tellier en passant par Jeanne Added, tous sont venus l’aider à emporter ses succès fous vers de nouvelles rives sonores.
Tristes, c’est à l’artiste et l’homme en mouvement qu’on veut rendre hommage. Au “beau bizarre”. Adieu, Christophe !